Intervention pour le 28

L’Assemblée Nationale vient d’adopter – par une procédure d’urgence – le projet de loi dit« de sécurité globale »., dernier en date dans la longue liste des textes liberticides. 

Profitant d’un contexte anxiogène, du fait des attentats et de la situation sanitaire, le gouvernement et le ministre Darmanin ont décidé de « muscler » une proposition de loi sur la police municipale et la sécurité privée. 

« Muscler » tellement que Macron vient de recevoir en urgence une mise en garde dans laquelle les rapporteur-e-s de l’ONU, chargé-e-s de veiller au respect des droits de l’homme et des libertés publiques ne mâchent pas leurs mots. Pour les citer, ce projet « porte une atteinte disproportionnée à de nombreux droits, libertés fondamentales et principes généraux de droit, de manière non conforme aux obligations énoncées dans les traités internationaux, essentiellement relatives au droit à la vie privée, à la liberté de réunion pacifique, à la liberté d’expression et au principe de responsabilité pénale pour violation des droits de l’homme. »De l’ONU jusqu’à la Défenseure des droits , en passant par la Commission consultative des droits de l’Homme et les juristes, l’alerte est générale pour les droits démocratiques ! Un comble pour Macron, lui qui se voulait le héraut de la lutte contre les illibéraux : le voilà traité par l’UE comme un quelconque Orban !

Darmanin s’empresse de répondre aux injonctions des syndicats de policiers, mais sans doute aussi à celles d’autres lobbies sécuritaires. Au delà de l’art 24 – véritable déconstruction de la liberté d’expression et de la presse qui accroît l’impunité des comportements policiers violents –, il n’y va pas de main morte.

Les polices municipales, sous l’autorité du maire, accomplissent de plus en plus les missions de police. On peut donc – au vu de certains arrêtés municipaux discriminatoires, racistes ou illégaux – craindre des velléités de contrôles disproportionnés dont la finalité sera de mettre l’ensemble de la population de la commune sous surveillance d’un potentat local.

En outre, le texte consacre le rôle particulier que les agents de sécurité privée jouent dans les actions de police : il prévoit, par exemple, la suppression de l’obligation d’accréditation pour procéder à des palpations, ainsi que des peines aggravées contre ceux qui se rendent coupables d’atteinte à leur endroit. Ce texte tend ainsi vers une transformation en milice des services de sécurité, sans les obligations de déontologie, de formation et de contrôle.

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A cela s’ajoutent :

– d’une part, de nouvelles prérogatives judiciaires, un accès direct au Parquet et la possibilité d’effectuer des relevés d’identité ;

– d’autre part, des vidéos par caméras embarquées des forces de l’ordre, la reconnaissance faciale et l’utilisation de drones munis de vidéos, et ce pas seulement lors des manifestations. L’interdiction -de fait- de filmer les forces de l’ordre s’accompagne de droits supplémentaires pour la police de filmer et d’utiliser les images des citoyen-ne-s, au mépris des textes fondamentaux sur la liberté d’expression et de manifestation, ainsi que du respect de la vie privée.

Sous prétexte de sécurité, c’est au droit fondamental d’exprimer et de manifester ses opinions dans l’espace public que le pouvoir continue de s’en prendre violemment, dans la logique du nouveau schéma national de maintien de l’ordre et du livre blanc sur la sécurité. 

Nous ne devons pas laisser passer ce projet ! 

Ne soyons pas attentistes ! Castex va saisir le conseil constitutionnel sur le seul art 24, d’autres vont le faire sur l’ensemble du texte. Si nous voulons une censure de cette loi liberticide et anticonstitutionnelle, il faut continuer à dire notre refus. 

Pensez aux images de la place de la république ou de celles de l’affaire Michel, tabassé par trois policiers qui l’ont ensuite accusé à tort d’avoir voulu prendre leurs armes et de rébellion : qu’est-ce qui se serait passé -ou se passe souvent- hors des caméras ?

Darmanin prétend dénoncer les policiers violents. Mais peut-on laisser le ministre de l’intérieur dire de certains policiers qu’ils « déconnent » quand ils tabassent un homme sous une pluie d’injures racistes ? C’est là banaliser une grave dérive. Et l’utilisation de la violence policière contre les mouvements sociaux et dans les quartiers populaires, est-ce encore de la déconnade ?

Les images nous donnent la possibilité d’exercer un contrôle de la police. Elles sont un outil de contre-pouvoir, un moyen d’opposition à l’arbitraire et aux violences policières. Elles sont une garantie de la démocratie en permettant le débat sur le maintien de l’ordre. 

Sans cela,  bienvenue dans un monde verrouillé où la brutalité et l’impunité de la police régneront en maître. Où la peur de l’espace public et la défiance de l’autre seront la norme.

Ne les laissons pas faire. Partout participons et construisons les rapports de force pour protéger nos droits et nos libertés fondamentales. Le pouvoir veut ériger la peur et la surveillance généralisée, érigeons partout la solidarité, la justice et la liberté.